- pierrelebretfap
Le rôle des sociétés civiles et de la solidarité internationale pour le développement durable
Refondation Solidarités est une initiative de l’Association Futur Au Présent créée en janvier 2021. Elle vise à nourrir la réflexion et contribuer au débat public sur les principes d’une nouvelle relation entre l’État et les Organisations de la Société Civile afin de garantir réellement les droits sociaux fondamentaux des plus fragiles.
L’objectif de cette synthèse était de reprendre les différents éléments traités lors de la séance 3 (10 mars 2021). Certains sujets seront approfondis entre les membres du groupe de recherche. Soulignons qu’il s’agit d’un document de travail et qu’il est par conséquent ouvert à vos commentaires, précisions ou questions, qui sont très attendus.
Invité: Philippe Jahshan

Actuel Directeur Stratégie au sein de l’Agence Française de Développement, Philippe Jahshan est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, il s’est engagé dans les ONG, notamment à Solidarité Laïque depuis 2002. Parallèlement, Philippe Jahshan a exercé plusieurs mandats dans des collectifs de la solidarité internationale. Membre du bureau de Coordination Sud depuis 2012, il est élu président de janvier 2015 à décembre 2020. En parallèle, Philippe Jahshan exerce plusieurs mandats : administrateur de l’AFD et depuis 2015, membre du CÉSE dont il a été rapporteur de l’avis sur les ODD et la coopération internationale. En octobre 2016, il est élu Président du Mouvement associatif.
La reconnaissance du type d’acteur que représente le monde associatif
Acteur emblématique, thématiquement dans la construction de nos sociétés, qui se situe entre l’État (pouvoirs publics) et les acteurs de l’économie de marché. Il y a des différences bien précises entre ces deux types d’acteurs. D’abord parce que dans la démarche de création associative, dans le premier article de la loi 1901, se sont d’abord des citoyens qui se rassemblent autour d’un objet commun, et mettent en collectif leurs ressources matérielles et intellectuelles dans un but non lucratif, se sont donc des citoyens qui se saisissent du droit constitutionnel, de cette liberté constitutionnelle, celle du droit d’association. Ce sont donc des citoyens qui se saisissent d’objets généralement relevant de la sphère publique et pour agir.
L’histoire de l’économie sociale et solidaire s’est faite autour de mobilisation de cette nature généralement pour répondre à des problématiques qui n’étaient couvertes ni par l’État ni par le marché (ex : mouvement mutualiste, mouvement coopératif, ou des première grandes association d’éducation populaire), à chaque fois ce sont des points de départ initiés très souvent par des ouvriers, enseignants, travailleurs de tout domaine, qui ont mutualisé des moyens pour créer par exemple des coopératives solidaires, mettre en commun des moyens pour avoir de la protection sociale etc. Ce point de départ est très important, car nous sommes ici au croisement du démocratique, du politique et de l’économique. C’est donc une légitimité qui se construit, qui est une autre légitimité que celle des élus, qui est la légitimité de citoyens, qui se mettent en collectif et qui viennent compléter par leurs actions et leur association, ce que le marché ou l’Etat fait. On le voit aujourd’hui avec la crise sanitaire, si le tissu associatif n’était pas présent, on aurait eu une situation bien plus grave en France. Dans les pays du Sud c’est encore plus prégnant, c’est cette économie là qui assure une résilience des sociétés, qui assure des services là où le marché ne va pas car pas suffisamment rentable, et là où les services publics ne peuvent pas répondre. Et là ou nous allons aller vers une demande de plus en plus croissante de sécurité sociale, de soins, de care, de protection vis à vis des changements climatiques, etc., et une volonté des citoyens de prendre part aux politiques publiques, « je pense que les formes d’organisations qui sont les nôtres, sont des formes d’avenir, et qui de ce point de vue, sont tout à fait légitime pour être actrices pleines de l’organisation des politiques publiques ».
C’est à partir de ce moment que nous parlons de la question de la légitimité, et donc défendre la question de la légitimité de l’économie sociale et solidaire à être partie prenante des politiques publiques et à pouvoir revendiquer une part de légitimité. Ce ne sont pas les mêmes rôles, pas les mêmes responsabilités que des élus, mais dès lors que des citoyens sont reconnus pour leur action et prennent part à la vie publique, c’est une forme de légitimité qui mérite d’être considérée parce que elle complémente à la fois, l’économique, le social et le démocratique très clairement. De ce point de vue, il est essentiel de reconnaître quelques éléments :
- Le droit d’initiative associative, au nom de la liberté d’organisation des citoyens. Cela veut dire aussi que l’argent public, n’appartient pas à l’Etat, il n’appartient pas aux élus ni aux administrations, il appartient aux citoyens qui par leurs impôts d’une certaine manière le confie à la puissance publique, à l’État, et ce dernier à la charge et la responsabilité de bien le gérer, donc l’Etat est tout à fait légitime pour faire ses choix, mais les citoyens sont parfaitement légitimes aussi à revendiquer un droit d’initiative et à revendiquer une part de financement public pour le soutien de leurs initiatives. Ce point est très important car il est régulièrement mis en cause, et que l’on est aujourd’hui - si on regarde le cas français -, depuis plus de 20 ans dans une réduction progressive du financement sur l’initiative aux associations au bénéfice d’un financement par appel d’offre, par commande publique, et donc par des logiques descendantes. C’est une des problématiques à laquelle doit faire face le secteur associatif, c’est à dire une considération qui est « insatisfaisante » de la part de la puissance publique au regard du rôle que joue la société civile, une considération qui est donc rarement celle d’un véritable partenaire et co-construction de la politique publique mais plutôt reconnue pour un rôle syndical, de plaidoyer, ou alors un rôle de prestataire, de porteur de projet répondant à des commandes descendantes.
La reconnaissance du droit d’initiative est importante, et apparaît dans différents textes, jusqu’à la loi Développement Solidaire (votée récemment par l’Assemblée Nationale, fort plaidoyer de Coordination Sud), avant cela, il y a eu la loi sur l’ESS en 2014, ou la circulaire du Premier Ministre en 2016 qui donne des définitions/modes de subventions et de la reconnaissance du droit à la subvention de l’action associative parce que il y a cette dimension complémentaire de l’action publique.
Cependant, ce sont des éléments de reconnaissance encore fragiles, très diversement traduits et interprétés par les administrations et par les pouvoirs publics de manière général.
- Le droit d’expérimentation et lieu d’innovation que représentent les organisations associatives et de l’ESS, et la reconnaissance de celle-ci. Malheureusement peu documenté car manque de moyens, mais il est de connaissance publique, que nombreuses sont les politiques publiques qui se sont enrichies d’expérimentations issues du monde associatif, on peut en compter dans tous les secteurs, le monde de l’éducation, de la culture. Le secteur associatif est donc un réservoir d’expérimentations, d’innovation et qui se trouve aux avants postes, ce qui consolide le facteur de légitimité. Les associations vont chercher de nouvelles solutions pour répondre à des besoins non adressés par l’Etat ni par le marché, les OSC innovent. Mais le point faible des OSC c’est qu’elles ne savent pas en rendre compte, et elles ne savent pas capitaliser suffisamment, souvent par manque de moyens financiers. Il y a un manque de financement pour le R+D dans le monde associatif et l’ESS, et il y a aussi un manque de temps pour capitaliser et modéliser les expériences au sein même des OSC, et communiquer à posteriori.
Le modèle économique
Dès lors que l’on reconnaît à l’économie associative, des particularités, entre l’Etat et le marché, et des spécificité qui lui sont propres, notamment de la non lucrativité, « nous considérons qu’il faut impérativement assurer des modes de financements adaptés à ce que cette économie représente », c’est une des difficultés à laquelle le monde associatif est confronté depuis très longtemps. On est souvent considéré selon le modèle public, ou selon le modèle privé, et balloté entre l’un et l’autre. Il y a donc un impératif qui est celui de stabiliser le modèle du secteur associatif, pour cela quelques dimensions essentielles sont à prendre en compte :
Financement public : l’aspect non lucratif et son caractère d’intérêt général fait que il doit y avoir une part de financement public nécessaire, qui est encore une fois, de l’argent des citoyens qui repasse par l’Etat et qui repart à de l’action citoyenne, ce financement doit être garantie sous forme de subventions à l’initiative associative. Ça c’est quelque chose qui doit être stabilisé et généralisé, toutes politiques publiques confondues. Ce n’est pas le cas aujourd’hui même s‘il y a des textes qui le disent.
Accompagnement : il doit y avoir un accompagnement pour promouvoir une diversification financière, mais en tenant compte du caractère non lucratif et donc de la nécessité de le sauvegarder. Cependant aujourd’hui, la réduction « un peu brutale » des financements publics, la remise en cause d’un certain nombre d’acquis notamment du point de vue fiscal et cette mise en concurrence des associations les unes avec les autres ou voir avec le marché, parce que maintenant elles sont ouvertes à la concurrence avec le secteur lucratif. Tout cela fait que les associations sont obligées de rogner sur la qualité de leurs actions, de rogner sur leurs projets associatifs pour sauver leur « boutique ». Les OSC se retrouvent donc à faire des acrobaties pour pouvoir boucler leurs budgets, et c’est trop souvent au détriment de la qualité et du projet associatif lui-même, et donc de l’objet premier, de la légitimité de l’association. Ce point est essentiel à réfléchir, et malheureusement ce problème n’est pas bien cerné par les pouvoirs publics, ce qui entraîne une partie de l’action associative se dirige vers autre chose qui n’est plus l’économie sociale, non lucrative et d’intérêt général.
Il faut donc faire reconnaître le modèle, et le garantir avec des soutiens et financements qui restent adaptés.
La nécessité d’un cadre de partenariat
Il existe un texte que nous avons établi en 2014, qui remonte déjà à 2001 au moment des assises de la vie associative qui est la Charte des Engagements Réciproques. C’est un texte qui dit beaucoup de choses, sur le dialogue entre les pouvoirs publics et le monde associatif et la manière dont ce dialogue doit être organisé. Le titre déjà met le monde associatif a un niveau vis à vis des pouvoir publics qui est totalement différent de celui de donnant d’ordre, de financeur a prestataire / bénéficiaires, on est bien dans cette réciprocité de relation, qui a été reconnue en 2014 (la nouveauté en 2014, c’est le texte a inclus les collectivités territoriales), c’est donc une charte tripartite (État, Monde associatif, et collectivités). Ce texte pose des principes généraux, et des engagements spécifiques et réciproques à chaque partie, qui se reconnaît comme partenaire de l’intérêt général, chacune ayant un rôle différent, mais en co responsabilité, dans la mise en œuvre de l’action publique, et dans son élaboration sur le terrain, cette charte signé par le Premier Ministre en 2014, avait comme idée qu’elle se décline ensuite dans tous les ministres, et dans tous les territoires, cela a été le cas, mais de manière très partielle, dans un certain nombre de territoire et très peu dans les ministères sectoriels. « J’avais essayé de décliner cette charte avec Coordination Sud dans le domaine des affaires étrangères avec le ministère, afin de passer au niveau supérieur, d’identifier nos engagements réciproques, et définir le niveau de reconnaissance pour les associations de solidarité internationale, ce ne fut jamais le cas ».
Aujourd’hui, on peut parler d’un dialogue inachevé, d’une structuration inachevée. On a des textes qui reconnaisse le droit aux subventions, des moments dans l’histoire qui témoignent de certaines émergences, comme la Charte en 2014, mais tout cela n’est pas piloter politiquement, parce qu’il y a une absence - et c’est un point fondamental -, d’un pilotage, d’un ministère, d’une délégation interministérielle, ou une lecture interministérielle réelle de la question du dialogue et du partenariat avec la société civile, et le monde associatif en particulier.
Pour avancer, la lecture, aujourd'hui strictement sectorielle, empêche la puissance publique de comprendre ce qu’est notre modèle, ce qu’il apporte, au-delà des missions sociales de chacune des organisations, dans la société, comme modèle d’économie sociale.
Pendant la crise sanitaire, quand l’Etat décide de débloquer des fonds d’aide pour l’économie, il y a eu un grand oublié, c’est le monde associatif et l’économie non lucrative. De toutes les mesures prises par Bercy, les aides, le chômage partiel, le report des charges, il fallait démontrer que vous aviez un niveau de lucrative, que vous aviez un certain nombre de critère qui vous permettait d’être reconnu comme une entreprise, donc toute la partie non lucrative de notre économie ne rentrez pas dans les cases. Nous avons dû expliquer de nombreuses fois pour que Bercy comprenne notre modèle, modèle mal enseigné et peu connu. Il y a un problème de culture de la haute administration sur ce qu’est la société civile, et ce qu’est l’ESS. Et même quand le fond de solidarité fut accessible pour les associations, sur le terrain quand les associations allaient déposer leurs dossiers, on leur disait non, car il y avait une grande incompréhension de l’administration. Penser sa relation à la société civile - au niveau local et national - doit faire partie du logiciel d’une politique publique, tout ministère confondu et pas seulement secteur par secteur.
C’est aussi une responsabilité qui revient au monde associatif et à la société civile elle-même. Le secteur associatif est le plus souvent très structuré autour des objets sociaux, secteur par secteur. Si on prend l’histoire du mouvement social et associatif en France, c’est autour des champs de l’éducation, du sport, de la culture, de la santé, du social, de l’aide internationale, etc. Ce qui est normal, quand on crée une association on la créée pour répondre à un enjeu climatique, social etc. Mais on oublie souvent - quand on est nous mêmes acteur associatif- , de penser à notre statut, on consacre peu de moyen dans nos plaidoyers sur une question qui nous réunit tous, qui est celle de la reconnaissance de nos modèles, car nous sommes pris par nos combats sectoriels et aussi par manque de moyens. Historiquement, ce que l’on mutualise dans nos maisons communes c’est assez pauvre, et si nous voulons peser et avoir une reconnaissance du fait associatif comme partenaire, il faut qu’il y est une pression collective suffisamment forte pour y parvenir hors je pense que notre organisation n’est pas à la hauteur de cet enjeu.
Le rapport au Sud
Cette lecture là que nous pouvons avoir en France s’applique également à l’international. Il n’y a pas de grandes différences par rapport à ce constat. Ce qui est sûre, c’est que c’est un enjeu que l’on partage avec beaucoup de pays, ce n’est pas un enjeu du Sud ou du Nord, c’est un enjeu qui est très largement partagé, et il y a beaucoup de choses à apprendre au Nord des innovations en matière de création associative, notamment dans le monde informel, tout ce que l’ESS innove dans les pays du Sud qui sont très importantes. D’ailleurs, une faiblesse de l’aide internationale telle qu’elle fonctionne aujourd’hui c’est qu’elle est trop tournée dans une logique Nord-Sud, de la solidarité internationale telle qu’elle a été pensée, et je pense que nous avons tout intérêt dans nos coopérations entre sociétés civiles à se penser comme partenaires de causes et d’échange de pratiques Nord-Sud / Sud-Nord. Il faut absolument intégrer cette dimension, pour renforcer nos expériences et richesses respectives. D’une certaine manière ne pas faire des sociétés civiles du Sud ce que les pouvoirs publics au Nord font de nous, c'est-à-dire comme des prestataires de projets pensés par le Nord pour le Sud, ou au mieux, des bénéficiaires passifs de nos actions. Malheureusement les bailleurs et les démarches de financements ne sont pas adaptés pour instaurer plus de réciprocité, mais cela doit consister en un plaidoyer essentiel à continuer à porter.
Question Groupe de Recherche : Le fait de défendre le rôle des associations là où l'Etat a certaines défaillances, consiste finalement à accepter ces défaillances, ne vaudrait il pas défendre un Etat plus fort, un secteur public plus présent ?
L’effet de balancier que nous avons vécu depuis presque la moitié du 19eme siècle, ou la question associative a été écrasée par le tout Etat et le tout marché, et finalement les deux ont fait échec. Je pense que la puissance publique garante de l’égalité des droits est essentielle, fondamentale, et sur tous les territoires, donc il ne faut surtout pas reculer par rapport à ça. Par contre on peut se dire qu’il peut y avoir un partenariat autour ce cet objectif là, et que justement cette économie non lucrative, d’intérêt général, celle qui n’est pas investit dans un but de lucrativité, c’est une alliée théoriquement de la puissance publique, pour garantir cette universalité des droits. Et dans l’histoire, c’est d’ailleurs grâce à des mouvements, grâce à l’association de citoyens, qui ont étaient porteurs d’accès aux droits et d’universalisation des droits. Nous sommes absolument dans la complémentarité, mais cela veut dire que c’est quelque chose qui doit être soutenu, reconnu et pleinement considéré dans la mise en œuvre des politiques et des financements des actions des OSC.
L’idée de société providence (tribune du Mouvement Associatif publié le 10 juin 2020 dans Libération https://www.liberation.fr/debats/2020/06/10/il-faut-mettre-la-vie-associative-et-l-engagement-citoyen-au-coeur-des-choix-de-societe_1790641/) , le message c’était qu’il faut 1- sortir des logiques du tout privé, du new public managment, de l’intégration dans l’appareil public de logiques de gestion entrepreneuriales privées pures, donc a but lucratif, qui mène a des désastres, dans l’hôpital public par exemple, 2- qu’il faut un pacte d’intérêt général et de l’universalité des droits entre la puissance publique et le monde associatif. Cela doit passer par de la reconnaissance et d’une mise en condition, et de la protection de ses acteurs de l’économie non lucrative, qui sont complémentaires de la puissance publique. C’est tout le débat sur les communs, la gestion des communs, comment le citoyen par son action et son engagement devient complémentaires de l’action publique, ne s’y substitue pas mais l’augmente, et que l’on garantisse que les actions soient d’intérêt général, et il y a des règles pour cela.
Question Groupe de Recherche : Quelles ont étaient les limitations de la charte et de son implication ?
Il y a vraiment eu un manque de pilotage. Il y a un moment ou il faut un pilote, un politique, un ministre qui soit derrière et qui continue à impulser. Il y a un manque de suivi de cette question là, et cela se perd dans le quotidien, a la fois dans le quotidien des associations qui sont très occupées par ailleurs par leur propres activités, projets, règlements de conventionnements etc., et c’est pareil du côté des administrations. Cette charte est un texte très exigeant pour les deux parties.
Si on prend ce sujet, comme un véritable outil de démocratisation, de renforcement d’une gouvernance démocratique réelle, c’est à dire une reconnaissance mutuelle des citoyens qui s’engagent dans les associations et des citoyens élus, ces deux types d’acteurs dialoguent et se mettent d’accord sur comment on s’engage réciproquement autour des enjeux d’intérêt général, c’est un projet éminemment de progrès démocratique. « Pour moi tout cela peut fonctionner si cela est piloté politiquement, suivi, évaluer, même si c’est déjà prévu, dans la charte il est prévu qu’elle soit évaluée tous les trois ans ». Cette Charte est très puissante comme levier, car que de mieux pour la puissance publique de reconnaître tout le réseau associatif du territoire, car cette charte est signée par tous les membres du secteur associatif français, la poursuite d’action avec ce texte peut amener à des engagements réciproques et non pas ces logiques strictement descendantes, mais cela ne fait pas partie pour le moment de la culture d’une partie de l’administration.
Indépendamment de l’instrument mise en place, que cela soit une charte, ou un autre outil plus contractuel, une convention ou autre, si suite à l’acte politique de l’engagement autour d’un texte s’il n’y a pas de suivi et pilotage politique, nous entrons dans une période de stagnation et d’oubli.
Question GR : Il y a quelque chose qui va au-delà du caractère purement négatif qui vient remédier à un vide ou difficulté de l’Etat d’intervenir dans tel ou tel domaine, cela déborde sur autre chose. C’est la capacité d’innovation dont vous parliez, et ça c’est considérable, parce que l’on sait encore une fois que nombre de dispositifs sociaux aujourd’hui indispensable, ont étaient pensé conçu, montés, élaborés, par des structures associatives et non par l’Etat, et ce n’est pas un hasard, car cela ne pouvait venir que de la société civile organisée. En prenant cela en considération, le fait que il ne s’agit pas seulement de remédier aux faiblesses de l’Etat, il s’agit de déployer toutes les virtualités du secteur associatif, ne faudra t-il pas aujourd’hui dire, puisque une charte et son caractère symbolique n’ont pas suffit, puisque le mouvement associatif apporte tant, il faut aller vers des mécanismes d’ordre législatif, et une prise ne compte même constitutionnelle…
L’associatif crée de la société…
L’intégration de la charte dans la loi, c’est ce que l’on a poussé, notamment en ce moment dans le cadre du débat du projet de loi sur les principes républicains, pour dire que c’était l’occasion de prendre cette charte, pour dire de laisser tomber ce contrat descendant, car ils veulent embarquer la société dans un engagement autour des principes républicains qui ne sont pas d’ailleurs la propriété de l’Etat et de l’administration, qui sont la propriété de la société elle même, cette société que l on fait vivre au quotidien, donc plutôt que de le prendre comme une logique de contrôle, prenons le comme une logique de mobilisation pour des principes de fraternité, d’égalité, de liberté et de laïcité, et ça cela marche en embarquant la société civile, et c’est tout le contrainte qui a été fait. Donc on a proposé que la Charte soit inscrite dans la loi, pour l’instant ce n’est pas passé. Mais du côté du secteur associatif, nous ne mutualisons pas suffisamment nos forces pour avancer dans ce domaine, c’est un défis collectif.
Question Groupe de Recherche : Dans le préambule de 1946, la reconnaissance de l’action associative est déjà constitutionnalisée, mais alors quelles actions pourraient être mises en place de la part des associations pour rappeler à l’Etat son devoir ?
Il y a surtout un travail et un effort considérable à faire de sensibilisation dans nos réseaux du monde associatif pour faire reconnaître par tous les droits qui sont les leurs et leur légitimité, il y a donc un sujet de prise de conscience interne.
Il faut continuer également à revendiquer au nom de cette reconnaissance là, c’est à dire une place et un rôle, qui d’accord est reconnu, mais il ne l’est que partiellement, il faut arriver à ce que la puissance publique tienne compte de la force associative et d’ en être redevable. Et donc de faire ce sujet la centralité des politiques publiques, que cela ne soit pas un sous sujet d’une sous direction d’un secrétariat d’Etat au sein d’un ministère où cet enjeu là représente la 25ème priorité, car c’est aujourd’hui cela la réalité. « Pour moi c’est l’une des expériences les plus dures, les plus amères, au niveau du Mouvement Associatif, cette revendication la qui devrait mobiliser beaucoup plus fortement ce que nous représentons, c’est à dire 1,5 millions d’associations en France, 2 millions d’emplois, selon les études, entre 16 et 20 millions de bénévoles, imaginez la puissance citoyenne qu’il y a derrière, cette puissance que l' on arrive pas qu’elle soit considérée au niveau politique c’est quand même le reflet de nos dispersions et de notre incapacité à faire poids et à engager les rapports de force au bon niveau. La surdétermination sectorielle de la vie associative, j’en suis issu, je viens du monde de la solidarité internationale, même si la solidarité internationale est transversale, parce que c’est un même secteur et que nous avons réuni au sein de la coordination des associations en charge de divers secteur et nous avons mutualiser des moyens pour traiter le sujet de manière transversale. Mais cet aspect sectoriel, fait que nous perdons trop d’énergie, il a arrive un moment ou il ne faut que cela soit seulement la tête de réseau qui soit mobilisée, mais les grands mouvements, et un grand nombre d’associations pour arriver à faire masse sur un sujet comme celui la, et c’est l’une des difficultés que nous avons. Si on lance un mot d’ordre aux 700 000 associations, il y en aura pas la même quantité qui sera prête à descendre dans la rue ou pour relayer un message, pourquoi ? Parce que sur ce chiffre il y en a 85% qui ne savent même pas qu’elles appartiennent à un mouvement associatif. Nous avons donc changé les statuts au sein du Mouvement Associatif, pour permettre plus d’horizontalité, et de reconnaissance d’une famille associative, d’un corps social, ce que font très bien d’autres secteurs.
Question GR : Sur le fait que cela soit commun au Nord et au Sud, ce sont les mêmes problématiques, que l’on est a faire a un état jacobin ou pas, la question que je pose c’est qu’est ce que l’expérience du Sud pourrait nous apporter, et inversement ?
Commentaire GR : Représentation du tissu associatif, problématique de coordination et perte de puissance avec des messages flou, mais ce tissu permet aussi de courir et d’établir un maillage quand même celui qu’un Etat ne pourrait jamais avoir, et je suis complètement d’accord sur le fait que nous ne sommes pas que la pour combler les failles de la puissance publique, mais il y a bien évidemment aussi le facteur d’innovation sociale très importante, et pour avoir cette capacité d’innovation et il faut couvrir plusieurs zones et territoires, que l’Etat ne peut pas faire car il ne peut pas être partout, et donc une des force de l’association c’est de pousser vers l’adoption de nouvelles politiques de nouvelles pratiques, qui permettent l’amélioration de situation de certaines populations que l’on ne voit pas forcément, je pense notamment aux personnes usagers de drogues, avant que cela deviennent t de véritables politiques de santé publique par l’État. C’était quand ce que l’on appelait des niches, qui étaient identifiées par les acteurs associatifs, très proches des terrains. Cela permet aussi une remise en cause, et des amendements politiques sur des critères existants qui peuvent avoir un impact négatif sur les personnes. Le fait que les associations soient très diversifiées permet également de pointer réellement et de manière très fine ce qu’il ne va pas sur le terrain presque à l’instanté, de manière très réactive, la ou quand on est derrière une machine étatique on ne peut pas être aussi dynamique, quand on met en place une politique il faut attendre plusieurs étapes avant d’en identifier les effets. Les associations sont aussi une sorte de contre pouvoir, leur sur maillage permettent de vérifier si des choses ne sont pas appliquées. Donc oui c’est problématique, car il faut un pilote dans l’avion et il faut pouvoir coordonner tout le monde, mais en même temps c’est aussi une force.
Une démocratie se grandit quand elle finance également celles et ceux qui critiquent le pouvoir en place, c’est même une nécessité, mais dans la pratique ce n’est pas toujours le cas. Et donc il faut des garanties à ce droit là.
Dans l’aspect Nord-Sud, il y a un échange de pratique, avec une logique un peu comparée, d’expérimentation de ces relations là, par pays par territoires, de cultures, de dialogues, qui peuvent être très différentes d’un pays à un autre, de la légitimité qui peut être comprise de manière très différente, il y a donc un enrichissement essentiel de la coopération. Il y a un sujet autour des alliances, construire des réseaux de société civile Sud-Nord, c’est aussi peser sur des décisions qui ne sont plus seulement à échelle nationale, ça c’est un élément qui paraît très important. J’évoque aussi un instrument important qui est celui du programme pluri acteur, qui avait été testé avec l’AFD. Justement un des atouts de ce programme là c'était de mettre les sociétés civiles du Nord et du Sud et pouvoirs publics du Nord et du Sud, autour d’un enjeu, d’un sujet. Au Maroc on a travaillé sur la jeunesse, en Algérie aussi, en Guinée sur d’autres sujets, cela a été déployé dans plusieurs pays. Au-delà de se saisir d’une problématique et de la traiter ensemble, il y a dans cet instrument, l’expérimentation d’un dialogue à quatre (OSC Nord, OSC Sud, pouvoir publics Nord et Sud), pour voir comment on construit des choses communes sur un enjeu commun. C’est un instrument très innovant. Il y a peu de bailleurs qui ont envie de financer cela, c'est-à- dire de la pratique de construction de processus de dialogue, et pourtant c’est fondamental.
Sur les points évoqués ce qui est frappant, c’est qu’il y a des sujets qui reviennent avec ce qu' avait plaidé Nils Pedersen, sur le besoin d’agir groupé, globalement, de faire levier ensemble. Le point que l' on vient d’évoquer sur le besoin de refaire de la pédagogie quand il y a des changements de gouvernements, mais c’est vrai aussi par rapport aux collectivités ou vis à vis des administrations décentralisées de l’Etat qui changent. Un troisième point un peu sous-jacent, c’est le fait que le mouvement associatif contribue à l' intérêt général, mais que en cela il n’est ni supplétif ni exécuteur. Cela paraît fondamental que le mouvement associatif soit plus repérable dans la société et vis-à- vis de la puissance publique.
Une bonne nouvelle au regard justement de la force et de ce que peut faire le secteur associatif, c’est l’exemple de la Loi Développement Solidaire approuvée il y a quelques semaines à l’unanimité par l’Assemblée Nationale qui fixe de nombreux objectifs et critères, notamment le seuil des 0,7% du PIB pour l’Aide Au Développement. Le secteur associatif à déployé une force de plaidoyer considérable depuis 2015 pour avancer sur ce sujet dans le champ de la solidarité internationale. Cependant la grande critique du monde associatif, c’est que justement il n’y a pas eu de co-construction et de coélaboration de cette loi. L’associatif est donc encore une fois renvoyé au rôle de plaidoyer.